Qu’est-ce qu’une startup ? (Partie 2)

Apprivoiser & embrasser le risque

Cyril Chapon
11 min readOct 31, 2020
Embracing the risk (credits John Gibbons)

Cet article est une la suite de notre première partie, où nous découvrions la Startup sous le prisme de sa structure économique, puis de sa fabuleuse équipe, et enfin de sa stratégie de développement.

Cette seconde partie se focalise sur deux autres facettes que sont la méthodologie de travail et la structure financière, avec comme fil conducteur le risque.

Voici donc notre plan pour aujourd’hui :

  • Le risque expliqué à ma grand-mère
  • Le quotidien
    - Le focus
    — l’art de dire non
    - L’efficience
    — l’art de faire du beurre avec de l’eau
    - La réactivité
    — l’art de discerner et réagir
  • L’argent — l’autre visage du risque
    - Le capital-risque
    - Valorisation & levée de fonds
  • Synthèse

Allez, c’est parti ! 🔥

Le risque

Au commencement, était le risque

Re-précisons un peu l’environnement dont nous parlions précédemment :

Risque extrême + ambition de rentabilité extrême

Pour illustrer ça simplement, je vous présente la célèbre courbe en J — ou la représentation de l’évolution idéale des résultats en Startup !

J-curve of the sucess

Cette courbe représente pour moi l’essentiel à comprendre. Le risque encouru, qui intervient pendant toute la phase en rouge, versus l’hypercroissance espérée, qui se matérialise par la partie bleue.

Plusieurs points à noter. Le premier c’est que oui, le fonctionnement intrinsèque de la Startup implique invariablement une phase de pertes, pendant la recherche de son modèle de rentabilité et scalabilité.

Le second, c’est que pendant toute cette phase, le cash sur le compte en banque ne fait que bruler, jusqu’à atteindre le point de rentabilité

Cashflow of the success

Pour être très clair, c’est une course contre la montre. L’idée c’est de trouver le plus rapidement possible, et dans un contexte économiquement restreint, un modèle viable.

Parce qu’il faut être lucide ! Laissez moi vous illustrer sommairement ce qui arrive, quand on ne réussi pas et que ça se passe moins bien :

Cashflow of the failure

On crame tout le cash, avant d’avoir eu le temps de percuter ce qu’il se passe. C’est le Cash Out — Et quand y’en a plus… ben y’en a plus ! Fin de l’histoire, fin de la belle aventure et des rêves de changer le monde.

Cette évolution dramatique, c’est hélas souvent le symptôme de la Startup qui ne trouve pas assez vite son modèle de rentabilité. Vous l’avez compris, le point central c’est le pilotage des ressources.

En Startup, on a pas les moyens, et on a pas le temps.

Pour autant l’objectif est tel, qu’on a juste pas le droit de se planter. Il en découle une vraie méthodologie de travail au quotidien.

Le quotidien

La méthodologie de travail

La meilleure façon d’encaisser et d’accepter ce risque; c’est pour moi de l’embrasser. Voici mes guidelines, qui ne sont pas juste une pâle philosophie; mais de réelles doctrines concrètes, donnant lieu à de réels arbitrages.

Le focus

Ou l’art de dire non

Quand on lance un produit innovant, on se retrouve très vite parasité par de “superbes opportunités”. Tout de monde “trouve ça génial”… et du coup donne son avis ! (Telle feature “serait trop chouette”) Certains veulent s’allier avec vous (Tel Corporate vous propose un “échange de valeur”) et les idées fusent (Tel produit annexe “complémenterait bien” le produit de base)

Think-big, do-small

En deux mots, c’est pas le moment. On a ni le temps ni l’argent de nous intéresser à ces sujets maintenant. Vous aurez tout le loisir de diversifier, passer des accords, chercher d’autres marchés quand vous serez rentables.

Il faut y aller pas à pas. Pour l’instant, il y a un marché à conquérir, un produit à développer, une rentabilité à trouver, des process à établir, une équipe à constituer… C’est déjà bien complexe et dense, non ? Focus !

On vient de le dire : on crame du cash à chaque seconde. Il faut se préserver, rester focalisé sur l’objectif, construire sa boîte, et dire non à absolument tout le reste. Sans hésitation, sans vergogne et sans perte de temps.

Straight to the point

La seule question à se poser :
Est-ce que ça rentre dans le Business Model ? Non ?
Alors Nope !

L’efficience

Ou l’art de faire du beurre avec de l’eau

En construisant sur les deux aspects évoqués précédemment (marketing & product), on se retrouve au quotidien confronté à des problématiques qui donnent lieu à des arbitrages.

Un exemple :
Pour acquérir de nouveaux clients, j’ai besoin d’un blog.

L’efficience, c’est cette capacité trouver des solutions efficace avec des ressources limitées. C’est trouver l’équilibre entre “le bazooka” et “le cheap”. Prendre des décisions efficientes, ça passe par 3 choses selon moi :

  • S’offrir un large panel de solutions. Hé oui ! Trancher correctement implique avant-tout de ne rien louper. Et c’est plutôt facile : il faut déjà apprendre à se servir de Google (vous ne savez pas) et trouver des canaux où poser des questions (groupes Facebook, WhatsApp, etc.)
    Sur Google, je trouve des solutions (Wordpress, Wix, Blogger). Je pose la question sur Facebook, un mec me parle de Ghost.io. Je connais aussi Medium parce que j’écris des articles à titre personnel dessus.
  • Savoir jauger le retour sur investissement d’une solution. En 40 secondes, de façon juste et précise, en évitant les pièges.
    Je me farci des comparatifs. Self-hosted versus SAAS ? Je demande son avis à un pote CTO. Il m’explique que Wordpress c’est un veau des années 80, que Blogger c’est moche, Medium pas-très-adapté-au-SEO, Wix facile mais limité, et que Ghost c’est une base saine avec plein de thèmes et plugins.
  • Puis savoir trancher, sans se mentir à soi-même, en restant encore et toujours pragmatique, à l’équilibre entre durabilité et court-terme.
    Je trouve sur Google que Ghost est disponible soit en self-hosted, soit en SAAS. Sur Facebook, un freelance me fait un proposition pour 500€ et un hébergement à 7€ / mois. Je jauge en comparant avec l’offre d’hébergement sur ghost.org. Je garde en tête que le self-hosted implique que je maintienne à jour le blog moi-même, et je donne mon Go au freelance.

Et voilà. J’ai un blog de qualité, évolutif, pour 7€ / mois.
Ça m’a pris 2 jours, quelques recherches et 500 balles.

Et en plus, j’ai trouvé un chouette freelance pour m’aider pour la suite ! 😛

Get shit done

Get shit done (credits Nick Karvounis)

La réactivité

Ou l’art de discerner et de réagir

À contrario des problématiques quotidiennes, il existe des sujets qui ne se résolvent pas avec de simples arbitrages pragmatiques. Il s’agit des problématiques de Business Model.

Et là il faut prendre conscience d’un truc. Trouver son marché et construire le produit qui va le satisfaire; on ne réussi pas du premier coup.

Oubliez cette idée que “cette solution est la bonne”, oubliez cette idée qu’il ne manque que “quelques leviers marketing” pour percer; c’est juste faux. Un peu d’humilité : on a pas encore cracké le code, pas encore trouvé la solution, pas encore construit un Business Model viable.

La seule chose vraie, c’est le marché. Le marché a toujours raison. Si personne n’achète, c’est que la solution ne l’adresse pas bien. Agissons en conséquence.

Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage

Alors à ce stade, il n’est pas question “d’optimiser” en tournant quelques boutons. Il est question d’essayer, de se planter, et de recommencer !

Et ce, le plus vite possible, le moins cher possible.

Agility (credits Patrick Perkins)

Fail cheap, fail fast

On appelle ça l’agilité. On parle d’Itérativité, de pivots, d’empirisme, de combat des biais cognitifs… tout un tas de concepts sur lesquels je m’attarderai plus tard, dans un autre article.

Retenons juste l’essentiel : vous n’avez aucune idée de l’avenir; vous n’avez encore rien prouvé. On va tout péter la semaine prochaine; alors zappez tout simplement la logique “c’est pour prévoir l’avenir”.

S’il faut aller vite, être extrêmement court-termiste; il faut également ne pas y aller avec le dos de la cuillère. Être radical, profondément radical.

Remarquez que je n’ai pas dis :

Essayer, se planter et “ajuster”

J’ai dis :

Essayer, se planter et recommencer

Il est vraiment nécessaire de comprendre : Ce que vous avez construit n’a aucune valeur tant que le marché ne l’a pas validé. Point final. Non non non, ça n’a au-cune va-leur.

On s’en fout complètement du temps qu’on a passé à construire tel truc. Libérez-vous l’esprit avec ce biais (coûts irrécupérables). Par pitié, mettez-tout à la poubelle, et recommencez. Ra-di-ca-li-té. C’est le meilleur moyen !

Cut the rope (credits Erwin Voortman)

Maintenant — comme vous l’avez pressenti — malgré tous nos efforts pour être efficient, focus et réactif; on y coupera pas :

  1. Le développement produit, ça coûte de l’argent : Développeurs rock-stars, freelances, SSII… peu importe la formule. Ajoutez-y les outils de dev., de gestion de projet, d’hébergement, de stockage; et vous y laissez-un oeil
  2. Le développement marketing & commercial, ça coûte aussi de l’argent : marketeux divas, outils en tout genre dernier-cri-et-indispensable, analytics, CRM, mailing, CPC, retargeting; cette-fois on y laisse le bras
Fragile money (credits Fabian Blank)

Ok, donc je résume ce qu’on a vu jusqu’ici : il est question à la fois de développer son produit et de le vendre sur le marché. Malgré une équipe formidable, et des méthodologies de travail adaptées; tout ça coûte un bras.

Ce qui nous amène au risque. Enfin plutôt à l’argent. Mais surtout au risque.

L’argent

L’autre visage du risque

Le capital-risque

Soyons clair : Dans un écosystème capitaliste, le risque — financier — est endossé par les actionnaires. C’est la définition même du capital-risque. Toute entité prête à risquer son argent contre une part de capital.

Il faut également y inclure les mécanismes de prêts — bancaires ou d’autres natures — qui sont aussi du risque autre façon de monétiser du risque, endossé par les organismes prêteurs, rémunéré cette fois par des intérêts.

Enfin, on peut y rajouter l’entrepreneur lui-même. D’une part car il apporte souvent un premier capital de départ. D’autre part car il existe des mécanismes permettant de dé-risquer les organismes prêteurs (comme les prêts sur l’honneur, ou les cautions personnelles)

Bref, je suis loin d’être un expert, mais je veux dresser ici l’essentiel à comprendre pour notre sujet. Le principe immuable, c’est toujours

L’investisseur prend un risque en investissant 10, dans l’espoir de récupérer 15 en échange de cette prise de risque.

Investment (credits NeONBRAND)

Valorisation et levée de fonds

Du point de vue de l’investisseur, si le risque est une notion-clef relativement facile à chiffrer; l’indicateur qui matérialise bien la progression s’appelle la valorisation.

Pour rester simples, retenons pour l’instant que la valorisation, c’est une espèce “d’estimation” de la valeur de la boîte. (C’est hyper approximatif hein, c’est juste pour en saisir rapidement le concept)

L’objectif d’un investisseur est de multiplier sa mise. Et très logiquement lorsque la valorisation de l’entreprise augmente, le risque qu’elle se plante diminue, et donc les chances de retour sur investissement s’améliorent.

Reprenons notre graphique précédent, que nous corrigeons

Risk & Valuation

En Startup donc, c’est sous la forme de prises de risques supplémentaires (investissements ou prêts) qu’interviennent les rentrées d’argent nécessaire pour le développement. Et ce de façon organisée, ponctuellement, en un évènement que l’on appelle une levée de fond.

Une dernière chose afin de parfaire notre schéma précédent. Il se trouve qu’en général, c’est justement à l’occasion des levées de fond qu’on calcule la valorisation (et qu’on constate l’état du risque).

Il est donc plus exact de les rajouter au graphique, et de le corriger ainsi

Risk, Valuation & Funding

Cette dernière version présente quelques éléments de jargon, notamment autour des levées de fond.

L’exercice de la levée de fond mérite un article dédié; je ne rentre pas en détail ici, et je continue dans notre format “vue d’ensemble”. Cependant, tout naturellement certaines questions nous viennent en tête.

À partir de quel moment lever des fonds ? Combien ? Auprès de qui ?

La réponse est étonnamment simple et naturelle.

Je disais dans la première partie, que la meilleure façon de planifier un business, c’est de fixer les objectifs puis de jalonner le développement. Ça ne tombait pas de nul-part. Parce que c’est aussi justement comme ça qu’on détermine quand lever des fonds, combien, et auprès de qui !

Oui, je sais; on entend régulièrement qu’une Startup évolue par phases entre deux levées de fond (Seed, Serie A, etc.). C’est un raccourci trompeur, qui laisse sous-entendre que l’on adapte le Business Plan selon un calendrier dicté par les investissements…

C’est pourtant très exactement l’inverse. C’est bien le Business Plan, ponctué de ses jalons Marketing et Produit, qui nous amènera tout naturellement à calculer les ressources nécessaires, et ainsi anticiper les besoins en financement adaptés au développement.

Business planning (credits Daniel McCullough)

Et nous conclurons là dessus.

Wrap-up

La conclusion (parce qu’il est temps, hein)

C’est à mon sens comme ça, et uniquement comme ça que doit se construire ce que j’appelle le calendrier de développement de la Startup. Calendrier qui deviendra la colonne vertébrale du Business Plan.

  • Il y a un objectif global, qui est celui de construire une boîte, massivement profitable.
  • Avec le développement produit, il s’agit de mettre en oeuvre les procédés et les outils permettant de créer de la valeur.
  • Avec le développement marketing & commercial, il est question de mettre en place les canaux et mécanismes pour monétiser la valeur créée.
  • C’est une jungle hostile, dans laquelle le risque d’échouer génère une tension constante et palpable, et il nous faut rester pragmatique.
  • Il nous faut une équipe de choc, parce qu’elle va clairement encaisser les ambitions déraisonnables, et réaliser la tâche titanesque.
  • Tout ça coûte cher, et il est important de dresser un plan cohérent; déterminant quand développer quoi, attaquer quel marché et comment, et quand et combien prévoir en ressources pour ça.
Step by step (credits Bruno Nascimento)

Je le disais, on entend souvent parler de phases de la Startup qui sont régulièrement mal comprises, à mon sens. Seed, Early-Stage, Scale, Growth

Quésaco ?! Les phases de la Startup sera le sujet de mon prochain article 🙂 Alors je te donne rendez-vous dans quelques semaines !

En attendant, si tu as besoin d’approfondir un de ces concepts; viens découvrir ce que je fais, et je me ferais un réel plaisir de t’aider.
N’hésite pas; j’offre la première heure !

Si tu veux simplement me mettre un peu de baume au coeur; tu peux toujours lâcher un petit Clap sur cet article ! ❤️

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Cyril Chapon

CTO & Product Manager, Javascript ninja and lighters stealer